Esther Venrooij
– Grey Alder 2023
Esther Venrooij s’est construit une réputation internationale grâce à son travail sur l’interaction entre le son et l’espace. Elle est connue dans ce cadre pour son approche délicate et attentive. Cela se traduit sans exception par des compositions et des installations extrêmement équilibrées et obsédantes. Sa fascination pour l’écoute (des autres ou d’un environnement, tout comme l’observation de personnes qui écoutent) la conduit toujours à concevoir d’impressionnantes compositions avec des images et des sons.
Pour le festival, elle a réalisé une installation dans le cadre de LANDSCAPES | Feel Flanders Fields. Pour cela, elle a lu et observé des témoignages de soldats des deux côtés de la ligne de front durant la Première Guerre mondiale, notamment ceux de l’écrivain controversé Ernst Jünger. Elle s’est surtout intéressée à la description qu’ils font des sons et aux univers sonores se composant de bruits de fond, de bruissements et d’hallucinations auditives. Des moments d’une forte intensité sont suivis d’un silence absolu, comme on peut également bien le voir dans le film À l’Ouest, rien de nouveau sorti récemment. Un soldat y déclare qu’il n’entend pas tant, mais qu’il écoute. Le 11 novembre 1918 à 11 heures, les violences de la guerre s’achèvent brusquement et il règne soudain un silence de mort.
L’artiste traduit tout cela dans une méthode de travail très stratifiée. Esther Venrooij a travaillé avec l’artiste Niels De Meirleir à une série de « gestures » (ou mouvements) inspirés par l’écoute du paysage de guerre de l’époque autour d’Ypres et de Watou. Il s’agit par exemple de regarder vers le haut et écouter au ras du sol, les jambes fléchies et tête sur le côté, de murmurer à l’oreille d’un arbre ou de s’y appuyer.
La réalisatrice Ans Mertens a également filmé ces « performances audiovisuelles sur site », qui constituent à leur tour la base d’une série de grands dessins au trait qui se chevauchent, un peu comme des « images doubles ». Pour l’installation sonore quadriphonique au moyen de quatre haut-parleurs, Esther Venrooij n’a pas seulement été à l’écoute du paysage de guerre environnant de l’époque, mais elle s’est inspirée ici aussi du matériel audio et visuel historique.
Lors de ses recherches sur le terrain dans la région d’Ypres, outre les « cicatrices dans le paysage », l’artiste a trouvé quelques autres témoins de la destruction totale : les arbres. Grey alder représente l’aulne blanc ou aulne rugueux, une espèce d’arbre semblable au bouleau qui était initialement très courante dans la région.
Esther Venrooij considère que son double rôle d’artiste et de compositrice occupe deux plans sensoriels différents. Elle crée des œuvres dans une variété de médias, tels que la musique composée, le dessin, la vidéo et les installations spécifiques. Dans ses études et ses impulsions créatives, elle se concentre sur la topographie sonore et explore la manière dont le son habite l’espace.