Robert Ssempijja

– Aliénation 2022

Robert Ssempijja fait partie des artistes qui ont pris la proximité de la frontière avec la France comme point de départ. À sa grande surprise, il a découvert que cette frontière est non seulement facile d’accès, mais également tout aussi simple à traverser. Pour lui, c’est complètement inhabituel et presque une utopie. Il a donc décidé de partager sa propre expérience de passage de frontières avec les habitants et les visiteurs.

Pour bien comprendre son projet, il est essentiel de mieux connaître sa ville de naissance, Kampala, la capitale de l’Ouganda. Cette ville compte plus de 4,4 millions d’habitants et est le centre économique d’un pays où vivent pas moins de 56 tribus différentes, et la population augmente à un train d’enfer. La ville s’étire sur 176 km2 au nord du lac Victoria. Avant la colonisation, les sept collines de cette région servaient de terrain de chasse au roi du Bouganda.

Sous la domination britannique, l’urbaniste allemand Ernst May a eu pour mission, en 1945, de dessiner une ville, pour laquelle il s’est inspiré du modèle de la cité-jardin. Il a ainsi créé une ville au sein de laquelle chacune des collines avait son propre centre et était entourée de vastes zones agricoles. Bien que Kampala ne porte plus le nom de « ville aux sept collines » depuis longtemps, ces dernières jouent toujours un rôle crucial pour la ville et on y trouve des points de repère uniques ayant une valeur religieuse, culturelle et coloniale. Tout comme de nombreuses autres villes africaines modernes, Kampala a été conçue en fonction de la ségrégation raciale : il y avait une séparation nette entre les dominateurs coloniaux, la population asiatique et les peuples indigènes.

L’installation de l’artiste fait partie de son projet de recherche Aliénation, qui se compose de quatre parties : une vidéo de danse, une installation artistique, une représentation performative et un spectacle live. Dans son projet, il cherche à savoir ce que signifie réellement un vrai foyer. Le cercle dans l’installation symbolise la ville tandis que le sol rouge représente le pays et les gens qui y vivent. Les murs environnants constituent la frontière. Les noms de rue renvoient à la conception de Kampala par Ernst May. Au milieu se trouve une colline qui symbolise l’endroit où résidaient les colons.

La vidéo de danse permet de saisir comment le public se déplace entre les murs et le cercle. Grâce à la projection sur les murs, ce sont eux qui sont exclus du cercle central de la ville.

Aliénation traite des frontières et structures artificielles ou imposées, et par conséquent aussi de l’exclusion en général. À cause du passé colonial de l’architecture urbaine de Kampala, Robert Ssempijja ne s’y est jamais vraiment senti chez lui. Car comment les gens peuvent-ils se sentir chez eux dans une ville qui n’a jamais été construite par ou pour eux ?

   & Max Greyson  

   – Pas d’endroit

1994, Uganda

Foto: Iwert Bernakiewicz

Robert Ssempijja est un artiste contemporain ougandais et un chercheur en danse qui mène une carrière à la fois formelle et informelle. Sa pratique est marquée par l’ère du post-colonialisme et de la décolonisation, le travail de Ssempijja est composé de projets de recherche qui se reproduisent dans des films de danse, des installations et des performances. Dans sa pratique, il se heurte aux limites physiques du corps pour créer des œuvres d’une sincérité absolue. Ssempijja est à la recherche d’une « pratique artistique régénératrice » qui s’éloigne des relations d’exploitation. Grâce à la danse, il jette un pont entre le passé déformé et le présent numérique. Ssempijja est également curieux de savoir comment le corps crée et transfère des informations et des secrets dans un mouvement qui construit le propre vocabulaire du corps. Il part du principe que notre corps est constitué d’archives d’informations qui sont activées lorsqu’il s’agit de mouvement.

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